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<< LÉONOR BERREHAR >>
Rédaction de la biographie de l’artiste et d’un texte de présentation littéraire, à destination de son bureau de presse parisien.
Crédits image : Léonor Berrehar
Crédits image : Léonor Berrehar
Biographie :
(...) Léonor Berrehar est une artiste et designer française née en 1993. Elle étudie la littérature puis, à la Central Saint Martins de Londres la critique d’art avant d'être diplômée d’un Master en design textile à l’EnsAD Paris. Tout en développant sa pratique artistique, elle travaille le tissu et la céramique, et crée des décors pour la scène gastronomique. Elle est fréquemment invitée à des résidences d’artistes et vit entre Paris et Bruxelles où elle a établi son atelier.
Sa formation littéraire trouve ancrage dans son travail, également nourri par sa fascination pour les écritures du Proche-Orient telles que le cunéiforme ancien et les hiéroglyphes égyptiens. Léonor interroge les codes de l'écriture en créant des systèmes d'alphabets comme autant de leitmotivs : une tentative toujours renouvelée de révéler ce qui repose entre le lisible et l'illisible, et de réparer les connexions brisées. Les alphabets deviennent des motifs dont les significations, les trous et les énigmes font sans doute écho à la langue et à la culture perdues de ses racines vietnamiennes.
Si le processus créatif commence toujours par le dessin et l'écriture, Léonor développe une pratique pluridisciplinaire ludique, en explorant un large éventail de médias tels que la peinture, le tissage ou la céramique. Ses dessins trouvent ainsi leurs prolongements dans une installation textile comme dans un objet. Elle peut aussi s’emparer d'une machine à écrire, la détournant rapidement de ses caractéristiques systémiques. Si les techniques humaines se superposent aux machines pour générer un langage unique, les lettres imaginaires de Léonor, elles, brouillées par leur mise à l'échelle, leur répétition ou leurs techniques mixtes, sont autant de terrains de fouille offerts au regard du spectateur (...)
Texte littéraire :
(...) Leonor Berrehar est née sur un bateau au large de la Bretagne en 1993. Un mouvement commence, celui ininterrompu de la batelière puis de la marcheuse quand chaque pas d’enfant l’amène dans un pays différent. Elle déménage tous les ans, s’attache, se détache, apprend une langue, commence une phrase et s’interrompt. Vu du ciel, son parcours dessine une ligne vers l’Autriche, l’Allemagne, l’Angleterre, et des boucles régulières en France chez son grand-père vietnamien et artiste, où elle cohabite avec une langue inconnue et une histoire dissoute à Saïgon. Chez lui, elle dessine, passe et repasse sur la ligne qui forme bientôt le couloir d’un labyrinthe familier sous un monde à la surface craquelée, puis la première lettre d’un alphabet, le fil de l’épopée de l’artiste en Pénélope. Leonor utilise sa propre expérience d’étrangère en mouvement pour explorer la forme du récit, la question de la langue et de la trace.
De la ligne naît le dessin, la lettre et le fil. C’est dans l’argile que Leonor imprime sa première lettre. Comme le scribe de Sumer, elle trace des lettres dans la terre humide qui peu à peu s’élève, devient lettre elle-même, une vaisselle creuse gonflée d’échos anciens, une vaisselle qui parle. Leonor poursuit avec son fil de brodeuse, couvre la surface de la toile de points serrés, relie le vide et le plein par des signes : l’alphabet progresse, solide, il s’apprête à traverser les âges. Leonor offre une histoire à qui cherche la sienne, au moyen d’une écriture sans cesse reprise, et née de la fascination de l’artiste pour les écritures muettes : hiéroglyphes égyptiens, transcription latine du langage Sioux, dialecte sino-vietnamien d’avant le quốc ngữ jésuite. Quelque soit la technique utilisée, l’artiste détourne la mécanique, évite comme des pièges les interruptions, l’espace entre deux lettres d’une machine à écrire ou celui d’un trou de mémoire. Il faut garder le fil, ne pas rompre le lien intime entre langage et création artistique. On ne trouvera pas dans son travail de distinction tranchée entre écriture et dessin. C’est le ce cerveau humain qui, mécaniquement, cherche et trouve dans l’écriture de Léonor, des correspondances avec l’alphabet intime.
Leonor Berrehar fait commerce avec les fantômes. La terre de ses mains laisse des traces sur des toiles enveloppantes de ses cabanes, des maisons temporaires de protection où converser en toute intimité avec les absents, des cabanes qui protègent, enveloppent ou débordent le regardeur, comme son écriture. Si l’on se perd dans la profusion des lettres, la cabane protectrice s’effondre sur nos têtes.
Quand elle dépose son ouvrage, l’artiste échafaude des mises en scènes éphémères composées de vaisselle et d’objets vernaculaires pour de grands dîners habités. À la vérité, Leonor dresse à travers ses œuvres des tables pour les fantômes et les vivants, des banquets nocturnes sous une tente où tremble encore la trace de la main, à la lueur des bougies. La frontière est mince entre vivre en bonne entente avec des fantômes insatiables ou mourir à son tour. Alors avec une joie toujours renouvelée, Leonor propose les solutions esthétiques pour offrir l’espace et le temps que la langue ne donnera pas. “Le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres, ou l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? (…) Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route.” (Lettres à Milena, Franz Kafka, 1952) (...)
Sa formation littéraire trouve ancrage dans son travail, également nourri par sa fascination pour les écritures du Proche-Orient telles que le cunéiforme ancien et les hiéroglyphes égyptiens. Léonor interroge les codes de l'écriture en créant des systèmes d'alphabets comme autant de leitmotivs : une tentative toujours renouvelée de révéler ce qui repose entre le lisible et l'illisible, et de réparer les connexions brisées. Les alphabets deviennent des motifs dont les significations, les trous et les énigmes font sans doute écho à la langue et à la culture perdues de ses racines vietnamiennes.
Si le processus créatif commence toujours par le dessin et l'écriture, Léonor développe une pratique pluridisciplinaire ludique, en explorant un large éventail de médias tels que la peinture, le tissage ou la céramique. Ses dessins trouvent ainsi leurs prolongements dans une installation textile comme dans un objet. Elle peut aussi s’emparer d'une machine à écrire, la détournant rapidement de ses caractéristiques systémiques. Si les techniques humaines se superposent aux machines pour générer un langage unique, les lettres imaginaires de Léonor, elles, brouillées par leur mise à l'échelle, leur répétition ou leurs techniques mixtes, sont autant de terrains de fouille offerts au regard du spectateur (...)
Texte littéraire :
(...) Leonor Berrehar est née sur un bateau au large de la Bretagne en 1993. Un mouvement commence, celui ininterrompu de la batelière puis de la marcheuse quand chaque pas d’enfant l’amène dans un pays différent. Elle déménage tous les ans, s’attache, se détache, apprend une langue, commence une phrase et s’interrompt. Vu du ciel, son parcours dessine une ligne vers l’Autriche, l’Allemagne, l’Angleterre, et des boucles régulières en France chez son grand-père vietnamien et artiste, où elle cohabite avec une langue inconnue et une histoire dissoute à Saïgon. Chez lui, elle dessine, passe et repasse sur la ligne qui forme bientôt le couloir d’un labyrinthe familier sous un monde à la surface craquelée, puis la première lettre d’un alphabet, le fil de l’épopée de l’artiste en Pénélope. Leonor utilise sa propre expérience d’étrangère en mouvement pour explorer la forme du récit, la question de la langue et de la trace.
De la ligne naît le dessin, la lettre et le fil. C’est dans l’argile que Leonor imprime sa première lettre. Comme le scribe de Sumer, elle trace des lettres dans la terre humide qui peu à peu s’élève, devient lettre elle-même, une vaisselle creuse gonflée d’échos anciens, une vaisselle qui parle. Leonor poursuit avec son fil de brodeuse, couvre la surface de la toile de points serrés, relie le vide et le plein par des signes : l’alphabet progresse, solide, il s’apprête à traverser les âges. Leonor offre une histoire à qui cherche la sienne, au moyen d’une écriture sans cesse reprise, et née de la fascination de l’artiste pour les écritures muettes : hiéroglyphes égyptiens, transcription latine du langage Sioux, dialecte sino-vietnamien d’avant le quốc ngữ jésuite. Quelque soit la technique utilisée, l’artiste détourne la mécanique, évite comme des pièges les interruptions, l’espace entre deux lettres d’une machine à écrire ou celui d’un trou de mémoire. Il faut garder le fil, ne pas rompre le lien intime entre langage et création artistique. On ne trouvera pas dans son travail de distinction tranchée entre écriture et dessin. C’est le ce cerveau humain qui, mécaniquement, cherche et trouve dans l’écriture de Léonor, des correspondances avec l’alphabet intime.
Leonor Berrehar fait commerce avec les fantômes. La terre de ses mains laisse des traces sur des toiles enveloppantes de ses cabanes, des maisons temporaires de protection où converser en toute intimité avec les absents, des cabanes qui protègent, enveloppent ou débordent le regardeur, comme son écriture. Si l’on se perd dans la profusion des lettres, la cabane protectrice s’effondre sur nos têtes.
Quand elle dépose son ouvrage, l’artiste échafaude des mises en scènes éphémères composées de vaisselle et d’objets vernaculaires pour de grands dîners habités. À la vérité, Leonor dresse à travers ses œuvres des tables pour les fantômes et les vivants, des banquets nocturnes sous une tente où tremble encore la trace de la main, à la lueur des bougies. La frontière est mince entre vivre en bonne entente avec des fantômes insatiables ou mourir à son tour. Alors avec une joie toujours renouvelée, Leonor propose les solutions esthétiques pour offrir l’espace et le temps que la langue ne donnera pas. “Le fantôme grandit sous la main qui écrit, dans la lettre qu’elle rédige, à plus forte raison dans une suite de lettres, ou l’une corrobore l’autre et peut l’appeler à témoin. Comment a pu naître l’idée que des lettres donneraient aux hommes le moyen de communiquer ? (…) Écrire des lettres, c’est se mettre nu devant les fantômes ; ils attendent ce moment avidement. Les baisers écrits ne parviennent pas à destination, les fantômes les boivent en route.” (Lettres à Milena, Franz Kafka, 1952) (...)